François Sagnes

Après des débuts par la gravure, pointe sèche et burin, François Sagnes se consacre depuis 1977 à un travail centré sur la pratique de la photographie. La photographie étant choisie pour ce qu’elle contraint à faire face à la matérialité des choses, et exigeant une transcription plastique avec un médium sans épaisseur.
L’ensemble de son travail peut être réparti sur deux registres principaux qui sont développés en parallèles :
- Des séries de photographies dans un face à face avec la matière minérale brute, la pesanteur et la lumière dans des carrières de marbre blanc de Carrare, de pierre grise en Belgique, de calcaire en Bourgogne, pour un travail ancré dans les problématiques du dessin, de la gravure et de la sculpture. Séries rassemblées sous le titre générique Seuils.
- Des séries de photographies sur des sites dans lesquels la pierre et la sculpture sont au centre du paysage (Égypte, Île de Pâques, Pétra, monastère de Saint- Siméon le stylite en Syrie, Jardin de Bomarzo en Italie, sites de mégalithes au Laos, ainsi que la friche sur le béton de la toiture de la base sous-marine de Bordeaux, etc.) Chacune de ces séries s'applique à mettre en forme un regard sur la sculpture dans des espaces qu'elle habite, à les désencombrer d’un déjà vu pour tenter d’atteindre au plus élémentaire de la perception d’un lieu.
À l’écart des questions “d’instants décisifs“, de toute recherche d’une singularité de “vision d’auteur “ ou d’une recherche de contemporanéité, quel face à face avec le réel la photographie permet-elle d’approfondir comme poïétique ? Les modalités de prises de vues à la chambre photographique sur trépied, ainsi que celles du tirage des épreuves argentiques, sont celles du temps long de l’observation, de l’imprégnation, de la réflexion et de la mise en forme.

Quand il m’est apparu que devant mes photographies faites sur des lieux identifiés par la culture, il ne se discute que de questions de savoirs ou de voyages, décision radicale de tenter d’enlever le “motif“ pour éprouver ce que donnerait un travail déplacé à un contexte pauvre et à des objets muets, afin de voir ce qui pourrait en émerger. Une photographie est-elle possible qui donnerait à appréhender le monde à l’écart des mises en spectacle et des images rêveuses ?
Dans l‘ordre des choses muettes, tenter le choix d’un réel “insignifiant“.

La pierre à l’état brut. Choix de m’attacher à une forme exigeante du réel ; hors de propos et dans les marges d’une histoire de l’art. Comme Cézanne aux ressauts de la Sainte-Victoire, Morandi à ses pots, Goya aux taches de peinture sur son gilet dans un autoportrait, etc. Pour se suspendre au réel, s’en tenir à une réalité au plus juste, à un élémentaire.
“Le rapport le plus direct de la conscience au réel est ainsi un rapport de pure ignorance.“ Clément Rosset.
“Ce par quoi voir n’est pas reconnaître, mais le difficile apprentissage de seuils inédits de la perception d’un monde.“ Bernard Lamarche-Vadel.

Avec les Seuils recentrage sur la matière du monde ; sculpture.

François Sagnes

Photographies en noir et blanc, dans un face à face avec la matière minérale mise à nue, la pesanteur et les états de la matière dans des carrières de marbre blanc de Carrare, de roche grise en Belgique, travail de fond d’un regard matérialiste, ancré dans des problématiques du dessin, de la gravure et de la sculpture.

Nathalie Lamire-Fabre - Directrice de Arrêt sur l'image galerie - 2015

Dans les Seuils, il y a des blancs que notre langage ne distingue pas… il faudrait être inuit peut-être. Il y a des noirs que Soulages ne renierait pas. Il y a l’éloge de l'ombre, aussi… Avec sa chambre, François Sagnes capte la lumière, immédiatement, le photon seul est burin, pointe sèche, pinceau… la rencontre est frontale. « Il suffira que les mots refusent la persuasion du concept ; qu’ils se retiennent de servir, qu’ils déçoivent l’esprit d’observation naturelle pour rester autant que possible dans la lumière de l’innomé. » (Yves Bonnefoy). Changer "les mots" pour "le regard"... et franchir les Seuils.

Alain Eudot - La chambre claire Galerie - Novembre 2020

Blancs - Noirs - Traits - Fissures - À regarder de près, à l'absence d'horizon, la lumière s'étire.
Non, ce n'est pas Prométhée enchainé à son rocher, puni par sa recherche d'énergie, mais Pandora qui débusque la vérité de la matière.
Même si le marbre et la pierre bleue ne sont pas de l'argile, la douceur du regard porté soulève l'abolition de Kronos. Tout est donné à celui qui s'arrête à la contemplation.
Les frontières sont abolies, « le seuil est une zone qui indique une ample portion d'espace semblable à une bande » nous dit Giorgio Agamben.
Bandes de pierre tailladées par de monumentaux châssis de sciage, composés d'une dizaine de lames, gourmandes en eau, envahissent l'ambiance assourdissante de ces carrières.
Les photographies de François Sagnes extraient le silence de ces lieux impénétrables pour les non-initiés. Arrachées à leur couverture végétale, ces carrières s'exposent autant à la chaleur étouffante du soleil qu'aux pluies torrentielles de l'automne.
Cette roche, présente bien avant notre humanité, crie son dévoilement sans trahir le moindre secret des failles qu'elle nous expose à ciel ouvert. Elle nous écrit son étonnement, là où la tangente traverse la courbe. La ligne active notre regard dans une promenade sans objet, errance mystérieuse, parfois inconfortable mais aussi immanente.
Un évènement en attente, un détachement en devenir, une incertitude due au déplacement improbable d'un monde à un autre monde. Mais ne sont-ils pas les mêmes ? Ceux de nos maisons, de nos palais, de nos sculptures, de l'astéroïde qui nous écorche quand il perd sa boussole ?
La pierre est indicible, loin, si loin de l'individu qui a tout oublié, qui toujours raconte son impuissance à atteindre l'essence de son origine.

Martine Chapin - Novembre 2021

EXPOSITIONS PRINCIPALES

Seuils, La chambre claire Galerie, Douarnenez, 2021.
Noir & Blanc : une esthétique de la photographie. collections de la Bibliothèque nationale de France, Grand Palais, Paris, 2020.
Île de Pâques, Galerie 19 Paul Fort, Paris, 2019.
D'un monde à l'autre, Arrêt sur l’image galerie, Bordeaux, 2018.
Île de Pâques, photographies de François Sagnes, Musée Denis Puech, Rodez, 2018. (Exposition personnelle)
Bomarzo, Domaine de Bassinet (12 F), “Rendez-vous aux jardins“ - “Jardins d’Europe“, 2018. (Exposition personnelle)
Île de Pâques, Maison internationale des poètes et des écrivains de Saint- Malo, 2018. (Exposition personnelle)
Le Jardin de Bomarzo, Galerie 19PaulFort, Paris, 2017.
Michel Journiac, Maison Européenne de la Photographie, Paris, 2017.
Les rencontres de Bernard Plossu, la collection d’un photographe, Maison Européenne de la photographie, Paris, 2017.
L’œil du collectionneur, Focus 2 ; Musée d’art moderne et contemporain, Strasbourg, 2016 – 2017.
Stigmates ; Galerie In Extremis, Strasbourg, mai 2016.
Collection du FRAC Languedoc-Roussillon, Ecole Supérieure des Beaux-Arts, Nîmes, mars 2016.
Jardin dévoilé de la base sous-marine, Base sous-marine de Bordeaux, 2015.
Marbres, Arrêt sur l’image galerie, Bordeaux, 2015. (Exposition personnelle)
Bordemer, une sélection de la collection photographique du Conservatoire du littoral ; exposition collective, Paris-photo 2014, Ecole Nationale Supérieure d’architecture Paris-Val de Seine.
Paysage plat (œuvres de la collection des Abattoirs), Ecole Nationale Supérieure d’Architecture, Toulouse, 2014.
Seuils, Galerie In extremis, Strasbourg, 2012. (Exposition personnelle)
Le Jardin de l’ombre, Galerie Arrêt sur l’image, Bordeaux, 2011. (Exposition personnelle)
Mégalithes du Haut – Laos, Centre Culturel de langue française, Vientiane, Laos, 2010. (Exposition personnelle)
Romantiques et voyageurs, Musée Henri Martin, Cahors, 2010.
Trajectoires, Parcours des mondes, galerie Frédéric Moisan, Paris, 2008.
Immobilité des voyages, Itinéraires des photographes voyageurs, bibliothèque Mériadeck, Bordeaux, 2008. (Exposition personnelle)
Biennale internationale de l’image, Centre culturel franco-lao, Luang Prabang, Laos, 2007.
Silences, galerie Frédéric Moisan, Paris, 2007. (Exposition personnelle)
Galerie Up’art – galerie du Quai, Bruxelles, 2006. (Exposition personnelle)
The Pyramids – 150 Years of Photographic Fascination, Weinstein Gallery, Minneapolis, 2003.
Galerie Pennings, Eindhoven (NL), 2001. (Exposition personnelle)
Les Trois Grandes Égyptiennes, les pyramides de Gizeh à travers l’histoire de la photographie, Musée de la photographie, Charleroi, 1996 ; Mission pour le patrimoine photographique, Hôtel Sully, Paris, 1996.
Des six continents – statues, Artothèque de Nantes, 1995. (Exposition personnelle)
Égypte, Musée de la mer, Cannes, 1993. (Exposition personnelle)
Pétra, Institut du Monde Arabe, Paris, 1993.
Artothèque de Nantes, 1993. (Exposition personnelle)
Île de Pâques, Musée La Pérouse, Albi, 1992. (Exposition personnelle)
Galerie Saint-Cyprien, Toulouse, 1992. (Exposition personnelle)
Société Française de Photographie, Paris, 1992. (Exposition personnelle)
Centre de la photographie, Genève, 1991. (Exposition personnelle)
Les Ateliers Nadar, Marseille, 1991. (Exposition personnelle)
Galerie Studio 666, Paris, 1981. (Exposition personnelle)

COLLECTIONS PUBLIQUES
Bibliothèque Nationale, Paris ; Société Française de Photographie, Paris ; Musée d’Orsay, Paris ; Maison Européenne de la Photographie, Paris ; Fond National d’Art Contemporain, Paris ; Musée d’Art Moderne et Contemporain, Strasbourg ; Musée des Beaux-Arts, Nantes ; Musée Henri Martin, Cahors ; Les Abattoirs, Toulouse ; Conservatoire national du Littoral ; F.R.A.C. Basse-Normandie et Languedoc-Roussillon ; Artothèques de Strasbourg, Nantes, Caen, La Rochelle ; Centre méditerranéen de la photographie, Bastia.

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