La série « Main Street » présente un pan du travail de Christian Poncet en street photography alliant couleur et noir et blanc et dans lequel l’action, l’impulsivité, l’immédiateté sont comme un écho aux sténopés des séries "Métropolis" ou "Le songe des rives".
© Christian Poncet
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La rue, le rivage, la plaine, les bistrots s’immiscent dans les pas du marcheur. De Brighton au Portugal en passant par le littoral français, le voyageur se tient à l'affut de ce qui surgit à sa conscience. Les lignes du paysage se dessinent au gré d'une sensibilité à fleur d'eau. Arrêt silencieux, l'ocre, le bleu, le rouge, le jaune s'infiltrent dans le sillon des personnages imprévisibles, déjà là, sans attention. Ces anonymes emboitent le regard du photographe dans la chaleur solitaire d'un café, une tasse entre les doigts, un verre, un livre sur une table. Le café de la Grande-Motte sous la pluie se métamorphose en une sœur vénitienne pendant l'acqua alta dansant au rythme de la tempête en attendant le calme de la nuit. La ville est un refuge de lumières et de géométries où je me pose tranquillement. Géographie familière où les souvenirs abondent sur la route des pierres mortes. Le passé clignote à la mémoire du vagabondage qui se fond en une errance salvatrice. La photographie de Christian Poncet attrape le temps, l'immortalise, l'imprime dans un espace singulier et nous invite à plus d'attention à ce que l'on traverse. « Que l'important soit dans ton regard, non dans la chose regardée », |
nous écrit André Gide dans Les nourritures terrestres .
S'arrêter, tenir la pose, retenir sa respiration, saisir les changements de lumière et vivre pleinement l'instant présent qui s'offre à nous.
Les pensées cognent aux fenêtres des images…
Martine Chapin - novembre 2023
S'arrêter, tenir la pose, retenir sa respiration, saisir les changements de lumière et vivre pleinement l'instant présent qui s'offre à nous.
Les pensées cognent aux fenêtres des images…
Martine Chapin - novembre 2023
La puissance du rouge enveloppe le regard entre pulsion dionysiaque et calme apollinien. La surprise viendra-t-elle perturber cette femme ? L'attente marque-t-elle l'inquiétude ? Le breuvage réchauffe la main suspendue. Arrachons-nous à cette emprise lumineuse et déambulons dans les rues marquées par le contraste de noir et de blanc. Disparaitre dans l'imprévisible, se poser où la pensée reprend haleine face à l'océan. La ville restreint l'angle de vue. La butée des immeubles souligne le face à face avec celui que l'on ne voit pas et qui ne sait pas qu'il est observé et interpellé en toute clandestinité. Hors champ. Dans la femme qui marche, du fond de l'existence sédentaire, émane un souvenir de nomade. Le pied arrière légèrement surélevé, la légèreté du drapé de la jupe, rappellent "La Gradiva". Celle qui apparait à l'heure chaude de midi, que l'on retrouve dans un bas- relief antique, jalousement conservé dans un musée à Rome. À l'origine elles sont trois. L'une se détache par sa silhouette, impression d'équilibre volontaire et sûr. Ici elles sont trois également : la plus énergique en couleur, la rêveuse en noir et blanc. La troisième fatiguée de sa journée, assise, ne laisse apercevoir que ses pieds. Puis la solitude s'efface. Le train, le bus, la rue attirent le jaune. La mélancolie s'estompe avec le soleil éclatant de couleur. On repart vers l'idée du voyage, de la douceur de l'imprévu, sans oublier la pause dans les cafés. Lieux de passage où l’arrêt de toute activité s'impose et favorise la pensée ouverte à l'imaginaire. La marque du temps s' inscrit dans les corps quand l'enfance n'est plus qu'un souvenir de glissade sur un toboggan éternellement lumineux rompant avec l'austérité de ce qui l'entoure. Christian Poncet nous propose un parcours inachevé au rythme sans mesure, un tourbillon imprévisible, où l'on migre d'une terre à l'autre comme une ouverture au partage dans ce que l'on a de plus intime. Martine Chapin - Mars 2023 |
Dans la série "Métropolis" de Christian Poncet ...il n’est bien évidemment pas ici question d’une démarche documentaire mais au contraire d’une approche guidée par une quête d’esthétique. Contrairement au film éponyme, Christian Poncet propose une vision à la fois utopique et onirique de l’espace urbain. Entre réalité et fiction, les oeuvres photographiques présentées donnent à voir des paysages architecturaux sublimés, au sein desquels évoluent des silhouettes humaines qui, bien que figurant le mouvement, semblent étrangement statiques. Instants suspendus dans une temporalité aux frontières diffuses, les photos de Christian Poncet manient avec subtilité les contraires, opposant ainsi le mouvement à l’immobilité, le présent au passé, l’ombre à la lumière. Fruit d’une mise en scène méticuleuse, ces photos, souvent énigmatiques, incitent le spectateur à s’interroger sur le sens de la « réalité » qui lui est donnée à voir..." Alexis Tourn pour la Galerie Nörka
© Christian Poncet
"Le Nord m’a toujours attiré. Je ne saurai l’expliquer : est-ce la “monotonie” des paysages, plats et uniformes, les lumières changeantes, ou cette ambiance si particulière rompant avec mon environnement habituel?"
Extrait du site de Christian Poncet
Extrait du site de Christian Poncet
Le songe des rives
Les photographies de Christian Poncet sont immédiatement attirantes, souvent nostalgiques comme si elles prêtaient matière et forme à l'écho de nos souvenirs. L'attrait que nous éprouvons communément pour les rivages, qui font le sujet de cette série, explique partiellement cette puissance évocatoire, mais elle tient surtout à un mode particulier de représentation du paysage, à la magie du sténopé. Le procédé de prise de vue qui porte ce nom capte la lumière à partir d'un trou minuscule pratiqué sur la face d'un boîtier de chambre noire : il nécessite un temps de pose important qui peut se chiffrer en heures, selon la luminosité ambiante. Cette lenteur d'imprégnation régénère la consistance de toutes les matières, car la lumière, s'attardant à s'inscruster partout où elle se projette, compose une échelle de gris ouateuse et vaporeuse, en même temps qu'elle isole des noirs profonds. Avec le fondu des tonalités claires et le bougé des objets mouvants, un léger flou s'instaure, un flou d'atmosphère qui prête à ces paysages des allures impressionnistes renforcées par des ocelles sombres ou grisés dus aux intermittences de la lumière. Ces photographies nous communiquent un sentiment d'incertitude qui vient des rêves : les horizons se rétrécissent et les limites qui séparent les rivages de la mer et la mer du ciel s'estompent dans des valeurs de gris brumeuses, différenciées seulement par leur degré de clarté. Les sténopés de Christian Poncet sont des images « pures », des écritures de lumière qui placent sur le devant de leur scène la matière signifiante de la photographie. C'est elle qui, à peine le sujet visé, parvient à confondre la rive et le rêve avec la même facilité que montre notre langage à distinguer ces deux mots par une seule voyelle. Robert Pujade - Membre permanent des Rencontres internationales de la photographie d'Arles. S’endormir sur la plage, se chercher un coin de sable isolé, surveiller son enfant près de la vague…
Le sténopé reçoit l’impact de la lumière sur une surface sensible, sans filtre, sans objectif, c’est la nudité de l’enregistrement qui nous rappelle les pas de Niepce dans la découverte de l’héliographie. Seule la lumière écrit, trace, distingue, ce que le photographe pressent de sa vision. Tel le mot qui nous donne à entendre une multitude de sens, les sténopés de Christian Poncet nous entrainent dans notre propre imaginaire. Je me souviens de cette avancée en bois, plantée de lampadaires, sur le lac de Zurich une nuit de printemps. Je me souviens de la descente de l’échelle pour se baigner et nager jusqu’à la plate-forme de repos. Je me souviens de ces sauts fracassants, du haut du plongeoir de la plage de Bonsecours, qui nous faisaient presque toucher le sable avant de remonter à la surface. Les photographies de Christian Poncet font échos aux paysages marqués par la présence de l’eau, ligne de fuite nécessaire face au lac ou à la mer. Echapper à l’agitation. Je suis cette femme immobile sur un banc à contempler le lac de Silvaplana. Combien sommes nous à nous reconnaitre dans cette échelle de gris baignant dans une atmosphère ouateuse qui ne dit pas la saison. Scènes de la quotidienneté où la lenteur prime sur toute activité. Être là, présent à l’espace, à l’atmosphère si particulière des rivages où toujours la main de l’homme marque son territoire par des constructions hasardeuses que le photographe inscrit aussi naturellement qu’un arbre arrivé là avec le vent. C’est la lumière qui guide l’oeil de Christian Poncet, il sait l’inviter judicieusement pour tracer son écriture photographique. Une histoire de narration déclinée par le langage d’une multitude de gris à l’aide de son singulier appareil photographique, le crayon de la nature. Une perception unique qui nous demande de nous arrêter. Arrêt sur image. « Stop, c’est bon ! » Martine Chapin - La chambre claire Galerie - juin 2019 |
© Christian Poncet
« D’un rivage à l’autre »
Ce matin, comme tant d’autres depuis deux ans, je prends ma voiture et suis la petite route sinueuse, à l’affût d’un bout de plage, ou d’un petit port qui jalonnent, çà et là, les cent soixante-dix kilomètres de rives du lac. Mes arrêts sont fréquents et un rien m’émerveille : ce vieux ponton délabré, une barque parfaitement immobile sur une eau sans ride, ou un plongeoir dressé au–dessus du lac. Parfois, un riche propriétaire m’ouvre sa porte et m’autorise à poser ma « boîte » sur son ponton « privé ». Les sujets ne manquent pas mais je dois économiser mes vingt négatifs logés dans de lourds châssis en bois fragiles et usés. Pas question de mitrailler, la camera obscura exige du temps, de la lenteur en parfaite harmonie avec ce paysage tranquille et la langueur légendaire de cette région. Le trépied est maintenant calé sur les rochers et je m’applique à trouver la bonne inclinaison de la chambre – sans viseur, l’opération est périlleuse et le cadrage hasardeux ! L’obturateur est maintenant ouvert et je vais devoir attendre, fébrile, pendant de longues minutes, en priant que rien ne vienne anéantir l’immobilité de la scène. Soudain, un cygne entre dans le champ et glisse doucement sur l’eau. Je ne lui en veux pas car je sais pertinemment que mon sténopé l’ignorera. Sur le chemin du retour, je me remémore les vingt prises, partagé entre l’angoisse et l’impatience qui se dissiperont une fois seulement dans la pénombre de la chambre noire. Là, le processus de création va se poursuivre et les trois ou quatre images retenues seront « travaillées », « manipulées » jusqu’à ce je retrouve, couchées sur le papier, la sérénité de ce « moment décisif », l’empreinte du temps que seul le sténopé sait enregistrer et nous faire partager. Demain, je repartirai et continuerai cette lente aventure. Christian PONCET, Mars 2010 Principales expositions (P)ersonnelles et (C)ollectives
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