Depuis plusieurs années, Éric Pillot photographie l’animal, l’animal sauvage, dont certaines espèces ne survivront sans doute bientôt plus que dans des zoos dans les années à venir. Sans utiliser aucune retouche, ni montage numérique, il a commencé sa série « in Situ » dans les parcs européens, et a ensuite élargi ce travail dans une autre culture et d’autres espaces, ceux des États-Unis.
« L’architecture et les décors des zoos sont intéressants à photographier, car ils sont riches d’influences, et empreints de la culture visuelle et artistique, populaire et savante, de leur pays. Ils ont beaucoup changé depuis leur apparition, et continuent d’évoluer : les barreaux sont devenus rares, et les formes et les couleurs des installations évoquent souvent les contrées d’origine des espèces qu’elles abritent. |
Quant à lui, l’animal me fascine comme un être étrange, beau et singulier. À travers mes images, j’essaie de le représenter dans toute sa beauté, et, d’une certaine façon, de me rapprocher de lui. Je pense aussi que l’animal est très présent dans l’esprit des hommes, et ceci dès leur plus tendre enfance. Les couleurs et l’architecture de leurs enclos m’aident à faire appel à l’imaginaire et dans mes images, les bêtes me paraissent pouvoir représenter quelque chose de l’animal en nous, dans toute sa diversité : celui que nous pouvons caresser, choyer, craindre… celui des contes, des mythes, et des livres pour enfants.
Mon travail est aussi une métaphore : Je m’efforce d’isoler l’animal dans mes images (alors qu’il vit rarement seul dans les zoos) afin de favoriser une rencontre, une rencontre avec l’Autre : un Autre que j’essaie de représenter avec noblesse et une certaine proximité, un Autre dont nous devons prendre soin, un Autre que je regarde, mais que je laisse aussi me regarder. »
Éric Pillot
Bêtes à penser.
Jusqu’au début de notre ère, les hommes et les animaux évoluent ensemble, dans une même communauté, avec un profond respect de l’homme pour l’animal. Les bêtes ont une âme et le mot « animal », pourvu d’une âme en latin (anima=le souffle vital), désigne tous les êtres vivants. Les hommes sont également des êtres animés. Même si Aristote distingue des niveaux différents, sans y mettre de notion de hiérarchie, nous faisons partie d’un même ensemble. Les animaux sont seulement aloga, privés de logos. Il n’y a pas de vie sans âme… Mais notre civilisation a éteint le champ signifiant de l’animal et l’a réduit à une chose utilitaire. En séparant l’âme du corps, le dualisme de Descartes nous éloigne un peu plus de la bête, elle devient une machine au service de l’homme. L’âme reste le propre de l’homme, celui qui pense dans une parole articulée. La parole du perroquet n’est pas une pensée, cette des-animation du vivant permet l’exploration scientifique nous conduisant aujourd’hui à l’exploitation outrancière des élevages industriels. Les photographies d’Eric Pillot redonnent-elles une âme à sa |
ménagerie ? Battent-elles en brèche les propos de Malebranche : « Le gémissement de l’animal n’est que du vent poussé dans un conduit vibrant » « Des machines plus proches d’une horloge que d’un être humain » ?
L’archéologie du silence de la bête nous donne à observer la privation de terre, de monde.
« L’animal n’est pas un être de nature, il a un monde qui peut-être rudimentaire, même endormi, mais qui présente tout de même quelque chose de l’ordre d’une intentionnalité, donc un monde qui peut croiser le nôtre et c’est alors le même monde, comme quand on vit avec un chien, ou quand on monte à cheval… » Elisabeth de Fontenay.
Et quand on visite un zoo ?
« Cet animal que donc je suis », comme s’amuse à le dire Derrida, que rencontre-t-il dans le regard du lion, de la chouette, du singe?
Vivants, figés dans leur existence, une inquiétude d’être au monde persiste. Jérémy Bentham au XIXème siècle nous pousse à l’éveil de nos consciences en formulant cette interrogation: « Souffre-t-il ? ». Parqués dans un monde factice, colorés par l’homme, sont-ils dupes de la supercherie esthétique ? Ils sont là, présents, dans leur belle nudité, un souci d’ouverture impossible.
Une vigilance sans sommeil, l’œil de l’animal parfois regarde le photographe. Nous voit-il comme un autre décor qui va, qui vient, qui disparait ?
Sa sensibilité se heurte à la mienne. Entre lui et nous la frontière s’efface. Nous sommes aussi enfermés dans un décor qui s’éloigne de plus en plus d’une puissante sauvagerie originelle !
Eric Pillot nous donne à penser l’animal, celui que l’on préserve comme un joyau avec la peur de le voir disparaitre de notre mémoire…
L’animal a encore tant de choses à nous faire découvrir, lui qui était là bien avant nous !
Quelle bête sommes nous ?
Martine Chapin - La chambre claire Galerie - août 2021
L’archéologie du silence de la bête nous donne à observer la privation de terre, de monde.
« L’animal n’est pas un être de nature, il a un monde qui peut-être rudimentaire, même endormi, mais qui présente tout de même quelque chose de l’ordre d’une intentionnalité, donc un monde qui peut croiser le nôtre et c’est alors le même monde, comme quand on vit avec un chien, ou quand on monte à cheval… » Elisabeth de Fontenay.
Et quand on visite un zoo ?
« Cet animal que donc je suis », comme s’amuse à le dire Derrida, que rencontre-t-il dans le regard du lion, de la chouette, du singe?
Vivants, figés dans leur existence, une inquiétude d’être au monde persiste. Jérémy Bentham au XIXème siècle nous pousse à l’éveil de nos consciences en formulant cette interrogation: « Souffre-t-il ? ». Parqués dans un monde factice, colorés par l’homme, sont-ils dupes de la supercherie esthétique ? Ils sont là, présents, dans leur belle nudité, un souci d’ouverture impossible.
Une vigilance sans sommeil, l’œil de l’animal parfois regarde le photographe. Nous voit-il comme un autre décor qui va, qui vient, qui disparait ?
Sa sensibilité se heurte à la mienne. Entre lui et nous la frontière s’efface. Nous sommes aussi enfermés dans un décor qui s’éloigne de plus en plus d’une puissante sauvagerie originelle !
Eric Pillot nous donne à penser l’animal, celui que l’on préserve comme un joyau avec la peur de le voir disparaitre de notre mémoire…
L’animal a encore tant de choses à nous faire découvrir, lui qui était là bien avant nous !
Quelle bête sommes nous ?
Martine Chapin - La chambre claire Galerie - août 2021
Eric Pillot est lauréat de plusieurs prix, notamment des prestigieux Prix de Photographie de l’Académie des Beaux-arts et Prix HSBC pour la Photographie.
Il découvre la photographie après avoir suivi des études scientifiques (École Polytechnique, agrégation de Mathématiques). Plusieurs de ses séries ont été consacrées à l’animal, qu’il a photographié de façon poétique dans les installations de nombreux zoos d’Europe et des États-Unis, d’abord en noir et blanc, puis en couleur avec la série « In situ », qui se poursuit encore. Il s’intéresse également à d’autres sujets, avec notamment sa série « Parois » et au paysage avec « Horizons ».
Plusieurs ouvrages ont été consacrés à ses photographies :
Plusieurs ouvrages ont été consacrés à ses photographies :
In situ,
texte de Serge Tisseron, éditions Actes Sud, 2012 Horizons,
texte de Amina Danton, éditions La Pionnière, 2017 |
In situ Etats-unis,
hors-série de la Revue des Deux Mondes, 2015 Parois,
texte de Michel Pastoureau, éditions La Pionnière, 2019 |
In situ 2,
texte de Dominique Janvier, éditions La Pionnière, 2015 (épuisé) |
Ses photographies ont été présentées depuis 2008 dans une centaine d’expositions personnelles, collectives et foires d’art en Europe, en Asie, aux États-Unis et en Australie. Éric Pillot est représenté depuis 2011 par la galerie Dumonteil, implantée à Paris et Shanghai, et depuis 2015 par William Mora Galleries à Melbourne. Il est né en 1968 et vit à Paris.
© Eric Pillot
Vous pouvez lire l’article publié le 25 octobre 2019 par Fabien Ribery sur son blog "L'INTERVALLE"
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